Vers une reconnaissance européenne des retraits de permis de conduire ?

20 mai 2025

Une réforme attendue pour une sécurité routière cohérente à l’échelle de l’Union

Le 25 mars 2025, le Parlement européen et le Conseil de l’Union ont conclu un accord provisoire sur une proposition de directive visant à harmoniser l’exécution des sanctions administratives graves liées au permis de conduire. L’objectif : faire en sorte que les décisions de retrait, de suspension ou de restriction du permis, prononcées dans un État membre, s’appliquent désormais dans l’ensemble de l’Union européenne.

Actuellement, une telle sanction administrative ou judiciaire n’est généralement exécutoire que dans le pays où l’infraction a été commise. Cette fragmentation crée des lacunes importantes dans la lutte contre les comportements dangereux sur la route, notamment dans un espace où la libre circulation est la norme. Le texte s’inscrit dans le cadre du paquet « sécurité routière » proposé par la Commission européenne.

Un mécanisme de reconnaissance mutuelle structuré

La directive prévoit que lorsqu’un État membre prononce une décision de retrait, suspension ou restriction du permis de conduire, celle-ci soit communiquée sans délai à l’État ayant délivré le permis. Ce dernier devra alors reconnaître et exécuter la sanction, sauf exception prévue dans le texte.

La procédure devra respecter plusieurs garanties :

  • Transmission rapide des décisions entre les autorités compétentes nationales
  • Notification au conducteur dans un délai de 20 jours suivant la réception de la décision
  • Information claire sur les voies de recours disponibles

Cette coordination vise à assurer que les conducteurs ne puissent échapper aux conséquences d’une infraction grave en traversant une frontière intérieure de l’Union. Elle complète d’autres réformes numériques comme celle visant à instaurer une immatriculation numérique des véhicules.

Quelles infractions sont concernées ?

Le dispositif ne s’appliquera, dans un premier temps, qu’aux infractions les plus graves en matière de sécurité routière. Il s’agit notamment :

  • De la conduite sous l’influence de l’alcool
  • De la conduite sous l’emprise de stupéfiants
  • Des excès de vitesse de plus de 50 km/h
  • Des accidents entraînant la mort d’un usager de la route

Ces infractions sont identifiées comme prioritaires dans le texte officiel de la proposition de directive COM(2023) 127, déposé par la Commission européenne.

Une évaluation déjà programmée

Le texte prévoit une clause de réexamen cinq ans après son entrée en vigueur. Cette évaluation portera notamment sur :

  • La pertinence d’élargir la liste des infractions entraînant un retrait reconnu à l’échelle de l’Union
  • La nécessité d’imposer des délais plus stricts pour l’échange d’informations entre autorités
  • L’efficacité concrète de la mesure dans la réduction des comportements routiers dangereux

Ce mécanisme d’évaluation est précisé dans le cadre réglementaire publié par la Commission.

Répercussions juridiques pour les conducteurs européens

Une fois la directive formellement adoptée et transposée dans les droits nationaux, elle impliquera des évolutions importantes pour les conducteurs :

  • Un retrait ou une suspension prononcée à l’étranger pourra entraîner la perte temporaire ou définitive du droit de conduire dans le pays de délivrance
  • La reconnaissance mutuelle des sanctions impliquera une meilleure circulation de l’information, et donc moins de recours possibles liés à l’absence de notification
  • Les conducteurs seront soumis à une plus grande cohérence des règles, mais devront également redoubler de vigilance en déplacement

Quel impact en Belgique ?

Pour la Belgique, qui délivre de nombreux permis européens à des résidents frontaliers ou expatriés, la directive renforcera la coordination avec les pays limitrophes. Elle exigera également une modernisation des outils d’échange d’informations entre le SPF Mobilité, les zones de police et les bases de données européennes, notamment via la plateforme EUCARIS.

Les avocats en droit de la circulation devront adapter leur analyse stratégique, notamment en matière de recours, de suspension temporaire ou de reconnaissance des décisions étrangères.

Cette réforme constitue une avancée notable vers une Europe de la sécurité routière plus intégrée, qui ne laisse plus place à des zones grises entre les juridictions nationales.

Conclusion

Le mécanisme envisagé par la directive représente une étape significative vers la reconnaissance mutuelle des sanctions routières au sein de l’Union européenne. En concentrant les efforts sur les infractions les plus graves et en encadrant strictement les modalités de transmission et d’exécution, ce projet entend allier efficacité, sécurité juridique et respect des droits de la défense.

Reste à attendre l’approbation formelle du texte par les institutions européennes, puis sa transposition par les États membres. Ce chantier législatif pourrait avoir un impact concret dès 2026 sur les pratiques des automobilistes, des autorités administratives et des avocats spécialisés en droit routier.

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