Une sanction de plus en plus contournée
La déchéance du permis de conduire est, en Belgique, une mesure répressive bien établie destinée à sanctionner les infractions graves au Code de la route. Mais si elle reste un instrument de référence pour les tribunaux, son efficacité réelle face aux récidivistes fait aujourd’hui l’objet de critiques croissantes.
D’après une enquête publiée par Gocar, environ 100 000 personnes circuleraient sans permis sur les routes belges. En 2023, la moyenne quotidienne de conducteurs interceptés sans permis s’élevait à 63. Ces chiffres sont en hausse par rapport à 2022 et traduisent une tendance inquiétante.
Profils des contrevenants : une réalité plurielle
Parmi les conducteurs sans permis, on distingue plusieurs profils :
- des personnes n’ayant jamais obtenu leur permis,
- d’autres l’ayant perdu à la suite d’infractions répétées,
- ou encore des récidivistes récents, qui continuent à conduire malgré une interdiction légale.
Le point commun ? Une indifférence préoccupante vis-à-vis des sanctions en vigueur, qui remet en question la valeur dissuasive de la déchéance elle-même.
Un arsenal juridique déjà renforcé, mais insuffisant
La loi prévoit déjà, pour les récidivistes, des peines plus lourdes : amendes, prolongation de la déchéance, voire peines de prison. Pourtant, ces sanctions ne suffisent manifestement pas à empêcher les comportements à risque. En l’absence de contrôle systématique sur le terrain, l’interdiction de conduire peut facilement être ignorée, sans moyen direct d’en empêcher la transgression.
Des mesures plus radicales à l’étude
Face à ce constat d’échec, des propositions plus fermes émergent. Le ministre de la Justice, Paul Van Tigchelt, envisage notamment :
- l’immobilisation administrative ou judiciaire du véhicule,
- la confiscation définitive du véhicule en cas de récidive,
- et l’usage de technologies embarquées telles que les systèmes antidémarrage par éthylotest.
Comme le rapporte Sudinfo, ces mesures plus intrusives sont encore à l’étude et divisent les acteurs du secteur, tant sur le plan juridique que logistique. Elles suscitent également des questions de proportionnalité : la confiscation ou l’immobilisation peuvent-elles être justifiées dans tous les cas, sans porter atteinte aux droits fondamentaux du conducteur ?
Vers un permis à points ?
Dans le débat, certains plaident pour la mise en place d’un système de permis à points, comme c’est le cas dans d’autres pays européens. Ce mécanisme permettrait de sanctionner progressivement les infractions, tout en identifiant les profils à risque de manière plus structurée. Toutefois, malgré un large consensus théorique, la Belgique n’a toujours pas franchi le pas.
Conclusion
La déchéance du permis de conduire, telle qu’elle est aujourd’hui appliquée en Belgique, montre ses limites face aux récidivistes. Si elle reste une sanction symboliquement forte, son efficacité est fragilisée par l’absence de contrôle systématique et par l’absence de mesures contraignantes complémentaires. Le législateur est désormais confronté à un dilemme : durcir encore les sanctions, au risque de les rendre disproportionnées, ou réformer le système en profondeur, pour mieux cibler les comportements à risque.