Accident mortel de la route : bientôt une qualification spécifique en droit pénal

14 mai 2025

1. Présentation de la réforme

Une proposition de loi déposée fin 2024 vise à modifier le nouveau Code pénal belge pour remplacer l’infraction d’« accident de la circulation mortel » par celle d’« homicide routier ».

Elle s’inscrit dans une volonté de mieux qualifier les actes commis par des conducteurs ayant causé une ou plusieurs victimes sur la route, en distinguant clairement ces infractions de l’« homicide involontaire » de l’ancien Code pénal.

2. Définitions

Accident mortel de la circulationIl s’agit d’un décès causé dans un contexte de circulation, généralement sans intention homicide, mais avec une faute de conduite grave (excès de vitesse, distraction, conduite sous influence).

Selon les données de Statbel, environ 400 décès sont recensés chaque année sur les routes belges.

Homicide involontaire : Acte entraînant la mort sans intention de la donner, mais avec une négligence ou imprudence grave. C’est l’ancien cadre pénal qui reste en vigueur jusqu’à l’application complète du nouveau Code.

Homicide routier : Terme proposé pour désigner explicitement les décès causés sur la route par un comportement dangereux du conducteur (alcool, drogues, vitesse excessive), avec une responsabilité renforcée sur le plan symbolique et pénal.

3. Pourquoi ce changement ?

Les auteurs de la proposition, dont la députée Vanessa Matz, estiment que le terme « accident » minimise parfois la gravité des faits. Cette réforme vise à reconnaître pleinement la dangerosité de certains comportements routiers. Le changement de terminologie s’aligne sur ce qui existe déjà en France ou aux Pays-Bas, où l’homicide routier est une infraction distincte, plus sévèrement sanctionnée.

4. Niveaux de peine : du niveau 3 au niveau 4

Le projet prévoit un passage de la peine de niveau 3 (3 à 5 ans de prison) à une peine de niveau 4, soit de 5 à 10 ans d’emprisonnement. Ces niveaux correspondent à la nouvelle échelle introduite dans le nouveau Code pénal.

La peine pourra être modulée selon les circonstances. Le juge pourra également imposer des sanctions complémentaires telles qu’une interdiction de conduire, un stage de sensibilisation, ou un suivi psychologique obligatoire.

5. Enjeux juridiques et sociétaux

Cette réforme poursuit deux finalités principales :

  1. Nommer la faute pour ce qu’elle est : une mort causée par un comportement grave sur la route, même sans intention homicide, mérite une qualification pénale spécifique et distincte.
  2. Renforcer la dissuasion : en augmentant le niveau de peine et la visibilité de la sanction, le législateur espère prévenir les récidives et responsabiliser davantage les conducteurs.

Ces changements s’inscrivent dans un mouvement plus large de modernisation du droit pénal belge, amorcé avec la réforme globale présentée en 2022 par le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne.

6. Comparaison européenne

La Belgique rejoint ainsi plusieurs États membres de l’Union européenne qui ont adopté une qualification pénale autonome pour les décès liés à la circulation. En France, la peine peut aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement en cas de conduite sous alcool ou stupéfiants avec mort d’un tiers. Aux Pays-Bas, l’dood door schuld in het verkeer (mort par faute dans la circulation) est également sanctionnée plus sévèrement que l’homicide involontaire général.

7. Prochaine étape

Adoptée en commission, la proposition doit désormais être soumise à l’assemblée plénière de la Chambre. Si elle est validée, cette nouvelle infraction entrera en vigueur en parallèle avec les autres dispositions du nouveau Code pénal, attendu pour mi-2026.

8. Conclusion

La requalification de l’« accident mortel de la route » en « homicide routier » est bien plus qu’un changement sémantique.

Elle traduit une évolution profonde du regard porté sur la responsabilité pénale des conducteurs. En renforçant les peines, en précisant les qualifications et en harmonisant le cadre avec celui des pays voisins, cette réforme vise à rendre la justice pénale plus lisible, plus cohérente et plus juste pour les victimes et leurs familles.

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