Accident lors d’une intervention policière : l’usage de la contrainte était-il légitime ?

28 mai 2025

Contexte de l’affaire

Le 26 mars 2025, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles, qui avait condamné un policier pour imprudence. En cause : un accident provoqué par un véhicule de la brigade canine, positionné sur la chaussée à la sortie d’un tunnel, lors de l’interception d’un motard en fuite. La cour d’appel avait retenu une faute de prévoyance au sens de l’article 418 du Code pénal belge.

Cadre juridique de l’usage de la contrainte

La Cour rappelle que le non-respect du Code de la route par un agent en intervention n’est pas automatiquement fautif, à condition que l’usage de la force remplisse les quatre conditions cumulatives définies par la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police : légalité, nécessité, proportionnalité et avertissement préalable.

Le policier poursuivait un objectif légitime (interception d’un suspect). Il n’y avait aucune fin illégitime, ni alternative possible. La Cour a relevé une incohérence dans le raisonnement des juges d’appel, qui rejetaient la faute lourde tout en soulignant la gravité des faits.

La décision casse donc l’arrêt en toutes ses dispositions (action publique et demandes civiles) et renvoie l’affaire devant le tribunal correctionnel du Brabant wallon.

Définitions juridiques essentielles

ContrainteTout moyen utilisé pour limiter la liberté d’un individu, même sans privation totale de liberté (art. 1, loi du 5 août 1992).ViolenceActes de contrainte physique exercés sur les personnes (Code pénal, art. 483, alinéa 1).LégalitéL’usage de la force doit être expressément autorisé par une disposition légale.NécessitéLa contrainte n’est permise que lorsqu’aucune autre mesure moins intrusive ne permet d’atteindre l’objectif poursuivi.ProportionnalitéLes moyens utilisés doivent être strictement adaptés à la situation, sans excès.Avertissement préalableL’agent doit, sauf impossibilité, prévenir la personne avant l’usage de la contrainte.

Apports de la jurisprudence européenne (CEDH)

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) encadre l’usage de la force au titre de l’article 2 de la Convention (droit à la vie). Trois critères principaux doivent être respectés :

  • Absolue nécessité : l’usage de la force ne peut viser que la défense d’autrui, l’arrestation d’un suspect ou la répression d’une insurrection.
  • Proportionnalité : la réaction policière doit correspondre à la gravité de la menace ou de l’objectif.
  • Contrôle juridictionnel effectif : les juridictions nationales doivent pouvoir examiner pleinement les circonstances du recours à la force.

Des arrêts tels que Mendy c. France ont validé des interventions jugées nécessaires et proportionnées par la CEDH.

Encadré pratique

Pour les victimes

  • Vérifier si les critères légaux d’usage de la contrainte ont été respectés
  • Demander un rapport détaillé de l’intervention
  • Consulter un avocat spécialisé pour évaluer les voies de recours
  • Faire valoir ses droits si une force excessive a été utilisée

Pour les forces de l’ordre

  • Documenter les raisons du recours à la contrainte
  • Préserver les preuves et enregistrements de l’intervention
  • Justifier l’absence d’alternatives moins intrusives
  • S’assurer que les actes sont strictement proportionnés et légalement fondés

Enjeux pour la pratique juridique

  • Clarification de la frontière entre usage légitime de la force et faute pénale ou civile
  • Protection juridique des agents intervenants dans des contextes sensibles
  • Évaluation rigoureuse des faits à la lumière de la loi de 1992 et de la jurisprudence CEDH

Conclusion

La décision du 26 mars 2025 rappelle que l’usage de la contrainte, même lorsqu’il entraîne un dommage, ne peut être sanctionné qu’à condition que les principes de légalité, nécessité, proportionnalité et avertissement aient été violés. Cette jurisprudence protège les agents agissant dans le cadre d’une mission légitime, tout en garantissant un encadrement strict du recours à la force. Elle s’inscrit dans une cohérence européenne avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

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