Dans un arrêt du 30 avril 2025, la Cour de cassation a précisé une question fondamentale en matière de circulation routière : à partir de quand débute le délai de trois ans prévu pour la récidive spéciale ?
Le cadre légal
L’article 38, § 6, alinéa 1er, de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière prévoit qu’en cas de récidive spéciale, une déchéance du droit de conduire est obligatoirement prononcée. Ce mécanisme suppose que le conducteur ait commis une nouvelle infraction dans les trois ans suivant une condamnation antérieure passée en force de chose jugée.
La question se posait toutefois de savoir quel événement constituait le point de départ de ce délai : la date du jugement de condamnation, ou le moment où celui-ci devient définitif (c’est-à-dire insusceptible de recours) ?
La position des juges d’appel
En l’espèce, les juges d’appel avaient retenu la date du jugement comme point de départ, sans attendre que celui-ci acquière force de chose jugée. Concrètement, cela revenait à anticiper le déclenchement du délai de récidive, avec le risque d’élargir artificiellement la période pendant laquelle une nouvelle infraction pouvait être qualifiée de récidive spéciale.
La réponse de la Cour de cassation
La Cour de cassation casse cette décision pour mauvaise application de la loi. Elle rappelle que le texte est clair : la récidive spéciale ne peut être fondée que sur une condamnation définitive.
Autrement dit, tant que les voies de recours ordinaires (appel, opposition) ne sont pas épuisées, le jugement ne peut pas servir de base pour calculer le délai de trois ans. Ce n’est qu’à partir du moment où la condamnation est passée en force de chose jugée que le délai commence à courir.
Les implications pratiques
Cette précision est essentielle pour les avocats et praticiens du droit routier, notamment devant les juridictions correctionnelles de Namur, Charleroi, Mons, Dinant, Andenne ou Huy, où de nombreux dossiers de récidive spéciale sont plaidés.
- Pour le conducteur, cela garantit une meilleure protection juridique : une infraction commise avant que la condamnation précédente ne soit définitive ne peut être utilisée pour fonder une récidive spéciale.
- Pour les juges et le parquet, la décision impose une lecture stricte de l’article 38, qui évite les interprétations extensives défavorables aux prévenus.
- Pour les avocats de la défense, c’est un argument de taille à soulever lorsqu’un ministère public tente de qualifier une récidive sur base d’un jugement encore susceptible de recours.
Une jurisprudence de clarification
En cassant le jugement et en renvoyant l’affaire devant une autre chambre du tribunal correctionnel de Namur, la Cour de cassation renforce la sécurité juridique. Elle confirme que la récidive spéciale reste une mesure grave, mais strictement encadrée, dont l’application ne peut être élargie au détriment des droits de la défense.