Déposée le 10 juin 2025, une proposition de décret entend modifier le décret wallon du 4 avril 2019 relatif aux amendes administratives en sécurité routière. Finalité : lorsque le parquet ne poursuit pas un petit excès de vitesse (jusqu’à 20 km/h au-dessus de la limite), la commune pourrait infliger une amende administrative. Le dispositif viserait les limitations 30, 50, 70 et 90 km/h et s’appliquerait tant sur voiries communales que régionales.
Champ d’application et philosophie
Le mécanisme est subsidiaire au pénal : la commune n’intervient que si le parquet classe sans suite. Il s’agit de traiter les dépassements modestes mais fréquents, souvent à l’origine d’une sinistralité locale non négligeable — en particulier en zone 30 et aux abords d’écoles, que ce soit à Namur, Charleroi ou Mons, mais aussi à Dinant, Andenne et Huy.
Montant et proportionnalité
Le conseil communal fixerait un barème dans une fourchette de 30 à 250 €, avec une graduation attendue selon l’importance du dépassement et le contexte (proximité scolaire, traversées urbaines, axes régionaux). Cette latitude suppose une motivation rigoureuse et le respect constant du principe de proportionnalité.
Procédure et droits de la défense
Même en matière administrative, la procédure doit rester équitable et contradictoire. À minima, on attend :
- une notification claire (lieu, limitation applicable, vitesse mesurée et corrigée) ;
- un accès aux éléments techniques (photo radar, homologation/étalonnage, implantation) ;
- un délai d’observations effectif et une décision motivée par un fonctionnaire compétent ;
- des voies de recours effectives (généralement devant le tribunal de police).
Articulation avec le pénal (non bis in idem)
La voie administrative ne se cumule pas avec la poursuite pénale. En pratique :
- poursuite pénale active → pas d’amende administrative ;
- classement sans suite → la commune peut sanctionner ;
- incertitude sur la position du parquet → la commune attend, afin d’éviter tout conflit de compétences.
Mise en œuvre communale : conditions de solidité
Pour sécuriser le dispositif, trois exigences se dégagent. D’abord, une chaîne probatoire irréprochable : signalisation conforme et visible, appareils homologués et étalonnés, traçabilité des constats. Ensuite, une formation exigeante des agents (droit applicable, procédure, protection des données) et leur assermentation. Enfin, une coordination opérationnelle avec la police et le parquet pour clarifier le moment où la compétence administrative s’active et prévenir chevauchements ou vides.
Impact pour les conducteurs
Le message est lisible : un petit excès ignoré par le pénal n’est plus forcément « sans suite ». Les conducteurs conservent leurs droits procéduraux (accès au dossier, observations, recours) et bénéficient d’un cadre plus prévisible. L’acceptabilité publique reposera sur la transparence des critères, la publication des barèmes et une communication claire des zones et modalités de contrôle.
Enjeux et risques
Bien calibré, l’outil améliore la réactivité et cible les points noirs de vitesse, sans fragiliser les droits de la défense. Mal conçu, il alimente le procès en fiscalisation de la sanction et expose à des annulations pour défaut de preuve, de proportionnalité ou de motivation. La clé : motiver, proportionner et prouver.
Calendrier et suites
Il s’agit, à ce stade, d’une proposition : parcours parlementaire (commissions, amendements, vote), puis publication et entrée en vigueur. Chaque commune devra ensuite adopter un règlement clair et mettre en place les pratiques de contrôle et de traitement adéquates.
En synthèse : le projet densifie l’arsenal wallon pour les excès « du quotidien ». Il n’érige pas une seconde justice ; il comble le silence du pénal par une réponse rapide, proportionnée et juridiquement sûre — à condition d’un barème lisible, d’une preuve solide et d’une motivation à la hauteur.



