Le 3 avril 2025, la Cour constitutionnelle a jugé que l’article 65/1, § 8, de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière n’est pas discriminatoire. Ce texte impose au contrevenant la charge de prouver qu’il n’a pas pu prendre connaissance de l’ordre de paiement dans les délais pour bénéficier d’un délai de recours supplémentaire.
La juridiction a comparé cette situation au régime du jugement par défaut, où la charge de la preuve incombe au ministère public. La Cour a estimé qu’il n’y a pas de discrimination, dès lors que cet encadrement ne limite pas de façon disproportionnée le droit d’accès au juge.
Elle a reconnu que l’ordre de paiement poursuit un objectif légitime et que cette charge de la preuve est justifiée et proportionnée. L’article 65/1, § 8, est ainsi conforme aux principes constitutionnels d’égalité et au droit à un procès équitable garanti par la CEDH.
Contexte et procédure
La question préjudicielle avait été posée par le Tribunal de police d’Anvers suite à un jugement du 19 février 2024.
Celui-ci estimait que l’article 65/1, § 8, créait une différence de traitement stricte par rapport à l’article 187, § 1er, du Code d’instruction criminelle, imposant au contrevenant de prouver un fait négatif (non connaissance de l’ordre), tandis qu’en cas de jugement par défaut, le ministère public doit prouver un fait positif (connaissance de la signification).
Analyse de la Cour constitutionnelle
La Cour a jugé que ces deux procédures ne sont pas comparables dans leurs finalités ni modalités. Le recours contre ordre de paiement relève d’une procédure administrative simplifiée, tandis que l’opposition à un jugement par défaut s’inscrit dans une procédure judiciaire formelle.
Elle a souligné que l’ordre de paiement est précédé d’au minimum quatre rappels (dont au moins un recommandé) et vise un objectif d’efficacité administrative : permettre l’exécution des amendes sans encombrer systématiquement les tribunaux pénaux.
En conséquence, la différence de traitement ne limite pas de manière disproportionnée le droit d’accès au juge, puisque le contrevenant bénéficie d’un droit de recours, avec mécanisme supplémentaire s’il prouve la non réception.
Principes constitutionnels et droits européens
La Cour s’est fondée sur les articles 10 et 11 de la Constitution belge (égalité devant la loi et droits de défense), lus en combinaison avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (droit à un procès équitable).
Elle a validé la charge de la preuve imposée au contrevenant, considérant qu’elle respecte les exigences de justification de la loi-programme et ne constitue pas un obstacle injustifié à l’accès au juge.
Encadré pratique : implications pour vos clients
Pour le citoyen concerné
- L’opposition ou le recours peut être introduit dans les 30 jours suivant réception de l’ordre de paiement.
- En cas de non réception, vous pouvez bénéficier d’un délai de recours complémentaire de 15 jours, sous réserve de prouver ce fait.
- Ce dispositif vise à garantir une procédure équitable sans imposer de poids excessif au justiciable.
Pour les avocats
- Conseil : conserver toute preuve de non-réception de l’ordre (absence à domicile, cachet postal, etc.).
- Évaluer la recevabilité du recours dans de nouveaux délais avec avis circonstancié sur les chances de succès.
- Surveiller l’évolution jurisprudentielle en matière de notification et de modalités pratiques.
Conclusion
La Cour constitutionnelle confirme que l’article 65/1, § 8, organise une distinction légale justifiée, proportionnée et non discriminatoire. Il ne porte pas atteinte au droit à l’accès au juge ni au droit à un procès équitable, tout en visant un but légitime : l’efficacité de l’exécution des amendes routières. Cette décision stabilise la sécurité juridique autour de la procédure de l’ordre de paiement.